Espace de créativité sans contrainte de temps ni d’audimat, le podcast connaît un étonnant retour de flamme. Son format intéresse de nombreux médias et les marques commencent sérieusement à s’en emparer.

Le podcast, une plateforme médiatique investie par les professionnels comme les amateurs

Le format pouvait passer pour « has been » à l’heure des youtubeurs stars et de Facebook Live. Pourtant, quinze ans après son introduction en France par la pionnière Arte Radio, le podcast connaît un incroyable retour en force. France Inter a par exemple enregistré 30 ,3 millions de téléchargements en octobre dernier, un record. Au-delà des médias installés, les initiatives se multiplient pour proposer des contenus originaux hors des grilles traditionnelles et de leurs formats imposés. L’avantage pour l‘auditeur ? S’affranchir des horaires fixes de diffusion. Depuis son ordinateur ou son smartphone, il peut écouter où et comme bon lui semble son podcast favori sans avoir besoin de connexion internet ni de signal radio.

Le phénomène podcast dépasse largement le cadre de la simple rediffusion des émissions radio. Il rappelle plutôt mai 81 et la libéralisation de la bande FM. Des journalistes réputés trouvent ainsi dans le podcast un nouvel espace de liberté.

À ce jeu, la plate-forme Binge Audio, lancée en 2015, fait figure de modèle (Source Le Monde). Fondée par Joël Ronez, ancien directeur des nouveaux médias à Radio France, elle cumule 300 000 écoutes par mois. Pour se démarquer, cette plate-forme s’intéresse aux genres culturels délaissés par la critique institutionnelle, notamment le rap et le hip hop dans NoFun et YouTube dans NoTube. Avec BoxSons, Pascale Clark renoue avec les reportages à « hauteur humaine ». Ex-rédactrice en chef à Slate.fr, Charlotte Pudlowski égrène quant à elle sur Transfert les témoignages à la première personne. Enfin Lauren Bastide, auparavant chroniqueuse du Grand Journal sur Canal +, fait désormais parler les femmes dans le podcast féministe La poudre.

Les non-professionnels s’invitent également à la fête. Pas besoin d’équipements coûteux ou de compétences techniques. Pour devenir un « youtubeur du son », il suffit d’un ordinateur et d’un micro de bonne qualité, afin de toucher un auditoire potentiellement sans frontières.

Des « amateurs » indépendants vivent même de leurs sons en imposant leur ligne éditoriale. Patrick Beja, ancien responsable des relations presse de Blizzard, est producteur du Rendez-vous Tech. Avec quelque 1 200 mécènes, il perçoit, grâce à la plateforme américaine de monétisation Patreon, plus de 5 000 dollars par mois (Source Le Tube, Canal+).

Abonnements, sponsoring, publicités pré-roll (comme pour les vidéos), mécènes venus par le crowdfunding, brand content… Les moyens de monétiser les fichiers audios sont nombreux. Binge Audio tire par exemple ses revenus grâce à des podcasts de brand content pour la Mairie de Paris ou BNP Paribas, entre autres.

Ces méthodes de financement sont utilisées sans complexe aux Etats-Unis, où le podcast est devenu une véritable industrie. Selon une étude de l’Interactive Advertising Bureau (IAB) et de PwC, le marché publicitaire du podcast devrait croître de 85 % cette année pour dépasser les 220 millions de dollars. Outre-Atlantique, un quart de la population écouterait des podcasts au moins une fois par mois.

Parmi les success stories américaines, on peut citer Serial. Comme une série TV ou un feuilleton radiophonique, cette émission découpée en saisons et épisodes hebdomadaires retrace des grands faits divers. Lancée en 2014, la première saison a été téléchargée 5 millions de fois. Les plateformes Welcome to Night Vale et The Truth font, elles, appel a de vrais comédiens pour raconter des fictions originales.

Les marques s’emparent aussi du phénomène

Des entreprises ont ainsi monté leur propre chaîne de podcasts. General Electric s’est s’associé à Slate pour concevoir The Message, un podcast de science-fiction qui s’est classé, en 2015, numéro un sur iTunes (Source Les Echos).

Dans Open for Business, eBay aborde la création d’entreprise en valorisant les retours d’expérience des entrepreneurs. Quant à l’application Tinder et son émission DTR pour « Define the Relationship », elle dispense des conseils pour nouer des relations amoureuses à l’heure du numérique.

Le podcast peut être aussi un outil au service de la communication interne. Pas de message institutionnel top down, les collaborateurs écoutent les contenus qui les intéressent et quand ils le souhaitent, sur l’intranet ou via leur mobile. Pour son rapport annuel de 2016 Orange a fait appel à des experts pour commenter en audiovision les grandes orientations suivies par l’opérateur télécoms.

Afin de donner tous les gages de visibilité aux annonceurs comme aux entreprises, il manque toutefois au marché du podcast des mesures d’audience plus précises que le seul nombre de téléchargements sur les plateformes de streaming comme Itunes. La commission Audio Digital du Geste (Groupe des éditeurs de contenus et services en ligne) réfléchit à une mesure acceptée par tous les acteurs, à l’instar de Podtrac aux Etats-Unis.

Avec la sortie d’iOS11, Apple promet de fournir de nouveaux outils d’analyse pour les podcasts hébergés sur iTunes comme le taux d’écoute par téléchargement, le pourcentage de fichiers écoutés complètement ou la répartition géographique de l’auditoire (Source igeneration).

 

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